Ni de paix ni de guerre
Dans la lutte qui a toujours opposé les nantis et les damnés de la terre de toute l’histoire de l’humanité, les premiers ont eu recours à toute sorte de leurre, de falsification de faits historiques, pour contrôler les derniers. C’est ainsi que dans le récit dominant, il existe une tentative d’imposer un certain culte de la non-violence, par des mi-Martin Luther King mi-Gandhi qui lui attribuent à elle seule, à tort bien entendu, la réussite de luttes et/ou de mouvements de libération. Il résulte de cette manipulation, une certaine hystérie collective qui pousse au cri, à la vue du moindre pneu enflammé, ou à la seule idée de passer à la lutte armée, même si l’avenir de toute une nation ou de tout un peuple en dépend. Dans l’inconscient collectif, la non-violence se trouve ainsi érigée en principe de lutte. On finit par intérioriser aux masses populaires une certaine vision romancée de l’existence, que l’on finit, tôt ou tard, par payer, ce, excessivement cher.
En matière de lutte collective pour la survie – emphase est mise sur le caractère collectif de la lutte- la fin justifie les moyens. C’est là que le by any means necessary du frère aîné Malcolm X prend tout son sens. On ne lésine pas sur les moyens. Si les luttes sont plurielles dans leurs formes, les tactiques doivent l’être tout aussi bien. Si au besoin, l’oppresseur change de mécanismes d’oppression, l’opprimé ne peut se cramponner à une seule forme de réponse. Sinon, il sera autant coupable que son agresseur, se faisant complice de ce dernier, dans son entreprise criminelle de l’exterminer. Tout ceci pour dire que la non-violence, tout comme la violence, ne peut être un principe de combat. Ce sont des tactiques, des formes, dont la combinaison judicieuse doit être mise au service de la lutte. Tout apôtre de la paix qui prêche le contraire, disant que le dialogue vient à bout de tout est un menteur. Aimant se faire appeler intellectuel moderne, citant un auteur toutes les deux phrases, il est souvent conscient de ce qu’il fait et travaille à la solde de l’oppresseur. En réalité, ce qu’il prône est une résignation de l’opprimé. Il n’a d’yeux bien souvent, pour ne voir la violence que dans la réponse de l’opprimé. Que l’opprimé en colère descende dans les rues et casse quelques vitres dans la foulée, l’apôtre est indigné, outré et voit la fin du monde. Pour lui cela ne va rien résoudre, ce pays est fini et n’ira nulle part … Mais, n’est-ce pas de la violence aussi qu’une poignée d’hommes et de femmes s’organisent et décident qu’une certaine catégorie d’humains, de leur berceau jusqu’à leur tombeau, n’auront jamais accès à l’éducation même rudimentaire, à la santé, ne mangeront jamais à leur faim ni même chaque jour, ne pourront se déplacer en toute sécurité sur le territoire, sans craindre de se faire éliminer gratuitement? N’est ce pas de la violence qu’une femme enceinte meure, avec son bébé dans le ventre, faute de pouvoir se payer un accouchement? Cela se qualifie comment, que des familles entières se fassent continuellement décapitaliser, à force de payer des rançons à des malfrats qui enlèvent leurs membres?
Il ne s’agit pas ici de faire l’apologie de la violence mais plutôt celle de la diversité de méthodes, appliquées avec efficacité et intelligence. Le pacifisme, employé seul, n’a jamais conduit à aucune victoire. Jamais. Tout simplement parce qu’il part du principe, archi faux, que l’oppresseur a une certaine conscience qu’on finit par toucher avec le temps. Méfiez-vous des récits tronqués que l’on vous fait souvent en Histoire, la lutte pour l’indépendance de l’Inde étant l’exemple préféré de la propagande. A ces mensonges, répondez que l’Holocauste ne s’est pas arrêtée par un dialogue avec les nazis et qu’il n’y avait rien de pacifique dans le débarquement de Normandie. Dites-leur que les marches pacifiques à travers le monde n’ont pu empêcher l’invasion américaine de l’Irak en 2003. Toute démarche pacifique de la part de Toussaint Louverture et de Dessalines serait à effet nul, et nous serions encore peut-être dans les champs de canne à sucre à l’heure qu’il est. Ce qui mit fin à la guerre d’Indochine fut la résistance armée et sans répit du peuple vietnamien et non les démonstrations pacifiques tenues en Amérique. L’histoire fourmille d’autres exemples du genre.
L’opprimé qui aspire à se défaire du joug de l’oppression ne doit surtout pas combattre l’oppresseur dans les règles du jeu fixées par ce dernier. Une telle démarche est tout simplement un non-sens que l’opprimé paie toujours de sa victoire ou même de sa vie. Ainsi donc, que nous ne nous laissions nullement être réglés exclusivement sous un mode quelconque, qu’il soit violent ou non-violent. Ne soyons ni de paix ni de guerre. Soyons des gens de la situation. La victoire se trouve dans l’utilisation de tous les moyens, avec jugeote, intelligence et réalisme.